Les politiques d’aménagement urbain exercent une influence significative sur la santé des populations en affectant divers facteurs, tels que la qualité de l’air, de l’eau, les opportunités de sociabilisation, l’accès à l’emploi et les modes de vie, notamment l’activité physique et l’alimentation. Il est reconnu que près de 70 % des déterminants de la santé d’une population peuvent être influencés par des politiques d’aménagement appropriées.
Ces choix, qu’ils concernent l’implantation d’espaces verts, l’optimisation du réseau de transport ou l’implantation des infrastructures, façonnent non seulement le cadre de vie, mais aussi la qualité de vie, en renforçant la résilience et le bien-être collectif de la population.
Qualité de l’air
L’enjeu : réduire la pollution à la source et limiter l’exposition des populations
Les impacts sanitaires de la pollution de l’air et des nuisances sonores sont considérables. Il a été démontré qu’une exposition prolongée à ces facteurs environnementaux contribue à l’apparition et à l’aggravation de maladies chroniques, affectant de manière disproportionnée les populations vulnérables, telles que les jeunes enfants, les personnes âgées et celles souffrant de troubles mentaux.
Ce sujet revêt aussi une dimension sociale dans la mesure où les personnes les plus précaires sont souvent celles qui sont les plus exposées (logements exigus avec mauvaise qualité de l’air, et/ou à proximité des axes routiers).
4.5 à 8.8 millions : C’est le nombre moyen de décès imputables chaque année dans le monde à la pollution de l’air extérieur, dont entre 40 0000 décès prématurés en France selon les estimations. (European Heart Journal, 2019 / OMS, 2017 / Santé Publique France, 2021)
Bruit et nuisances sonores
En 2023, le paysage sonore du quartier Concorde à Lille a été transformé en intégrant les perceptions des habitants dans la planification urbaine. Grâce à une méthode participative, une cartographie sensible des bruits a été élaborée, distinguant nuisances et sons appréciés. Ce projet a abouti à des aménagements ciblés réduisant les nuisances sonores et améliorant le bien-être collectif, illustrant l’impact de l’ingénierie émotionnelle sur la qualité de vie urbaine.
147.1 Mds € : C’est le coût social du bruit en France chaque année. La part sanitaire de ce coût est
prépondérante :
0,9 Mds € sont des coûts sanitaires « marchands » (hospitalisation, médication…)
126,3 Mds € – soit 86% du total – sont des coûts sanitaires « non marchands » (perte de bien-être, sommeil perturbé, difficultés d’apprentissage…)
Musique en ville : entre partage et isolement
Écouter de la musique en extérieur peut transformer l’ambiance urbaine, offrant des moments de connexion et de détente dans un espace partagé. En revanche, l’usage généralisé des écouteurs, souvent à volume élevé, pose des problèmes de santé auditive et d’isolement social.
Comment repenser notre manière d’intégrer la musique dans les espaces publics pour en faire un vecteur de bien-être collectif ?
Des pistes d’amélioration pourraient inclure des espaces sonores dédiés, comme des parcs musicaux interactifs ou des playlists adaptées à des lieux publics, permettant à chacun de profiter d’une expérience sonore enrichissante et saine.
Accès à l’eau
Des innovations hydrauliques de l’Antiquité, aux enjeux contemporains liés au changement climatique, l’eau a toujours joué un rôle central dans le confort, l’hygiène et la qualité de vie des sociétés européennes. Si les réseaux modernes ont révolutionné l’hygiène et la santé urbaine, la gestion durable de cette ressource reste cruciale.
Accès aux ressources alimentaires
L’enjeu : Renforcer la résilience alimentaire via l’aménagement local ,et permettre un accès élargi à une alimentation saine, via l’installation de jardins et potagers publics.
11,7% : C’est la part de personnes en France qui
vit dans un foyer en situation d’insécurité
alimentaire pour des raisons financières et
cette situation s’aggrave (Troisième étude individuelle nationale des
consommations alimentaires (Inca 3), Anses, 2017)
660km : C’est la distance moyenne parcourue par
les produits alimentaires depuis le lieu de
production jusqu’au consommateur en
région parisienne (Source : OCDE, juillet 2020)
Quelques pistes d’action
- Sanctuariser les terres agricoles aux alentours des villes
- Réfléchir aux points de commercialisation d’une offre alimentaire
saine, peu transformée et équilibrée - Mettre les projets d’agriculture urbaine au service d’une culture
alimentaire partagée, sans se focaliser uniquement sur la quantité
d’aliments produite - Cibler la production alimentaire urbaine vers les populations
vulnérables - Intégrer des écosystèmes hybrides mêlant pédagogie alimentaire,
sociabilité et circuits courts : marchés avec producteurs locaux,
soutien au jardinage, régies agricoles municipales à destination des
cantines
Chaleur
L’enjeu : Végétaliser
La nature en ville améliore la santé en réduisant le stress, en atténuant les îlots de chaleur et en diminuant certains risques sanitaires. Toutefois, ces bénéfices nécessitent une intégration réfléchie, tenant compte des contextes locaux et des perceptions des habitants. Végétaliser avec nuance, en hiérarchisant les priorités de santé et en s’appuyant sur des outils d’aide à la décision, est essentiel pour maximiser ces impacts positifs.
3 à 5° : C’est la baisse de température urbaine ressentie que les arbres d’ombrage peuvent apporter au niveau du piéton (ADEME, Aménager avec la nature en ville, octobre 2018)
39% : Parmi une longue liste d’aspirations relatives au cadre de vie, 39 % des Français déclarent que « vivre en contact proche avec de grands espaces de nature » est un besoin fondamental. Il s’agit du besoin le plus répandu après « se sentir en sécurité » (L’ObSoCo – L’Observatoire des usages et représentations des territoires, 2021)
Transformer nos mobilités
L’enjeu : Lutter contre la sédentarité par des aménagements
urbains propices à l’activité physique
La marche et le vélo redessinent doucement le paysage urbain en conciliant bien-être individuel et enjeux environnementaux. Mais leur essor repose sur des aménagements adaptés, garantissant sécurité et accessibilité. Au-delà de réduire la pollution et le bruit, ces mobilités actives participent à une approche globale de la santé en ville, où chaque trajet devient un pas vers des villes plus résilientes et apaisées.
4e : La sédentarité, à l’origine en 2010 de 6% des décès, est considérée comme le 4 e facteur de risque de mortalité à l‘échelle mondiale
29% : c’est la progression de la fréquentation des pistes cyclables en France en septembre 2020 par rapport à la même période en 2019, dont 34% en milieu urbain, 17 à 20% dans les zones périurbaines et 16 à 18% en milieu rural (Association Vélo & Territoires, au 1er septembre 2020)
La vue
L’enjeu : Concevoir des environnements visuels qui favorisent la santé et le bien-être
L’impact de notre environnement visuel sur la santé mentale et physique est souvent sous-estimé. Pourtant, des études montrent que des vues dégagées sur des espaces verts sont bonnes pour la santé oculaire, mais réduisent également le stress, améliorent la concentration et accélèrent la récupération après une maladie ou une intervention chirurgicale.
+25% : Une vue sur des espaces naturels peut augmenter de 25 % la satisfaction au travail et la concentration (Journal of Environmental Psychology, 2019).
À l’inverse, un cadre saturé d’écrans publicitaires, de bâtiments ou d’encombrements visuels peut générer une fatigue cognitive et diminuer la qualité de vie. Intégrer la notion de « confort visuel » dans l’aménagement urbain – par exemple, en limitant la densité des signalétiques ou en diversifiant les textures et couleurs urbaines – est donc essentiel pour promouvoir des villes apaisées et vivables.
La santé urbaine ne se limite pas à la prévention des maladies, elle englobe une vision holistique du bien-être, où l’air, le bruit, les espaces verts et les modes de transport se réconcilient pour former un écosystème. C’est en orchestrant ces éléments avec finesse et clairvoyance que nous pourrons aller vers des cités résilientes, véritablement adaptées aux besoins physiques, mentaux et sociaux de l’homme.